antoine de margerie

"Pastels, aquarelles, peintures ou gravures, le propos est le même: des formes construites, une gamme simple et pas plus d'une gamme par toile! Comme beaucoup j'ai commencé par être figuratif, mais dans les paysages c'étaient les bordures des champs et l'horizon qui m'attiraient; dans les natures mortes, la table plutôt que ce qu'il ya dessus et dans les intérieurs, les portes, les murs et les placards: c'est sans doute comme ça que j'ai glissé vers l'abstraction. Après, une recherche pousse l'autre"
Antoine de Margerie




Repères biographiques :

Antoine de Margerie a d'abord été un peintre figuratif aux formes délicates, champêtres, aux couleurs chatoyantes. Peu à peu, à la trentaine, le jeune homme, né en 1941, se convertit à l'abstraction. Non pas celle, lyrique ou échevelée d'un Mathieu, d'un Sam Francis ou d'un Olivier Debré, mais à l'abstraction géométrique dont les canons sont hérités de Mondrian ou de Malevitch. Dans cette peinture l'esprit domine la matière. Le cerveau maîtrise les élans du corps et du cœur. La réflexion et l'analyse de l'espace précèdent le geste du pinceau qui se fait discret, parce qu'il n'est que l'outil au service du peint. Dans « le combat de la ligne et de la couleur » que théorisait Yves Klein, Margerie n'a pas opté pour la couleur seule, il a accepté aussi la règle de la ligne. Ce constructeur en a joué pour déterminer les à plats qui composent le tableau.

 

Les plans ainsi constitués, se marient calmement, se superposent plutôt qu'ils ne s'imbriquent, chacun demeurant maître de son destin. Mais dans cette Babel à deux dimensions il n'est pas question de perdre la tête et le sens dans la multiplication des langages. C'est la couleur qui vient calmer les tensions ou plus exactement les rendre vivables. Et c'est bien là que l'on perçoit la science de l'artiste. Ses apparents monochromes sont, dans la réalité de la toile peinte, constitués de myriades de tonalités vibrantes si finement interpénétrées qu'aucun déséquilibre sensoriel ne perturbe la contemplation. Lors du vernissage de l'exposition organisée à la Galerie Gimpel &Müller, 12 rue Guénégaud, du 16 septembre au 16 octobre; une phrase prononcée par un autre artiste en visite, le Chilien Ivan Contreras-Brunet, a fait sens. « Margerie a réussi à échapper à Mondrian, quand nous en sommes toujours prisonniers ».

 

Dans son travail Antoine de Margerie a aussi abordé la gravure; pointe sèche, aquatinte…: ses qualités s'y retrouvent. Antoine de Margerie, qui était un des piliers du Salon des réalités Nouvelles, a hélas disparu en 2005, mais son œuvre, dans sa singularité et dans son homogénéité, fait de lui un des artistes les plus significatifs de l'art contemporain. Le critique d'art Anne Tronche lui a consacré un très beau livre que viennent de publier les Éditions du Regard.

 

Jacques Bouzerand

Mon Œil sur l’Art - 2010

 

 

Antoine de Margerie

 

« Purifiez-vous de l’accumulation des formes appartenant aux siècles passés » enjoignait Kasimir Malevitch. Antoine de Margerie (1941-2005) semble avoir écouté la leçon du grand maitre russe du suprématisme. A ses yeux, c’est le concept qui domine sur la pratique, l’esprit qui prend le pas sur la matière. Dans ses œuvres abstraites, il privilégie l’intuition, l’expérimentation et la poésie tout en ciselant les formes et les couleurs, des couleurs subtiles et franches. Antoine de Margerie est à l’écoute de ses « sensations pures ». Très beau catalogue, éd du Regard. Texte d’Anne Tronche, 164 p, 40 euros.


Presse:


Antoine de Margerie


Voici sans doute un des peintres les plus discrets de sa génération! Antoine de Margerie (1941-2005) qui vient juste d'être exposé à la galerie gimpel & müller. Une découverte ou des retrouvailles avec des œuvre aussi fortement imprégnée de sensibilité est rare aujourd'hui. L'auteur de ce grand œuvre peint et gravé était aussi un homme cultivé et parfaitement exquis. Antoine de Margerie devient très tôt peintre. Il aime à créer de nouvelles formes, en à plats, à partir du récit figuratif qu'il a tenu. Tout au long de son œuvre, plans, masses, rythmes et couleurs s'ordonnent avec une rigueur lumineuse, inondée de soleil. Puis, plus tard, il radicalise, poussé par la nécessité profonde d'autres recherches. Il prend alors la décision de se tourner vers un style plus formel, plus synthétique. Ainsi naissent des toiles structurées, géométrisées, sensibles à l'extrême. Les tons se resserrent, deviennent plus délicats encore. La construction stricte, l'ossature du tableau crée des espaces géométriques. La poésie totale de cette peinture, ses assonances feutrées contraste avec la rigueur d'une volonté parfaite. Les rythmes et les vibrations troublent le spectateur toujours sous le charme. Cet abstraction repose sur de prenantes études aux allures dont les nuances sont longuement réfléchies. la courbe, la verticalité, tour à tour s'y affrontent. Margerie entend ainsi "remarier rigueur et sensibilité". Ces œuvre ont une grande importance.


Patrick-Gilles Persin

Univers des Arts n° 157 décembre 2010 - janvier 2011, page 10



Bibliographie :

- antoine de margerie; peintures et gravures - 2010, texte: anne tronche - éditions du regard